12/17/2012

Petit traité empirique d'économie sénégalaise

Voilà quelques remarques sur l'économie sénégalaise, issues des échanges et observations faites depuis 2 mois que je suis là.

La base, c'est l'éducation. Dans la région de Kolda, une des plus pauvres du Sénégal, il manque finalement peu de choses pour que la vie d'une personne change. Moins de 10 000€ suffirait à la plupart des gens pour commencer quelque chose, un petit commerce ou service, c'est le principe du micro crédit.
Mais cela empêche d'avoir un effet de masse avec une grosse installation qui touche plein de gens d'un coup, il faut gérer petit projet par petit projet. Et cela me semble d'autant plus difficile que beaucoup de ces personnes ont besoin d'accompagnement, de formation. Sans cela, ces projets tombent souvent à l'eau car mal structurés ou abandonnés à la première difficulté.
Mon espoir là dedans, c'est que le besoin de suivi baisse avec le niveau d'éducation, qui augmente sensiblement selon mon ressenti.
Ainsi, l'Unicef, qui met des panneaux devant chaque école, a pu faire évoluer son message. L'enjeu est la scolarité des jeunes filles : on est passé de "Je veux aller à l'école" à "Je veux aller et RESTER à l'école" puis "Je veux aller et REUSSIR à l'école"...
le panneau intérmédiaire
En effet, au début les filles étaient envoyées mais ne restaient pas longtemps. Ensuite, elles restaient mais n'y faisait rien. Désormais, ces futures femmes seront un socle solide pour structurer des petites organisations économiques, elles qui sont déjà la base de nombreux projets de développement.

Autre élément remarquable, c'est l'adaptation du commerce au pouvoir d'achat. Beaucoup de gens avec qui j'étais vivent avec 2 ou 3 € par jour maximum. Il faut donc acheter les doses alimentaires ou d'essence petit à petit car il est souvent impossible d'acheter 1kg de sucre par exemple. Du coup, on voit dans les épiceries plein de petits sachets préparés par le commerçant, des bandes de petits sachets (lait en poudre, lessive, café...) ou des bouteilles d'essence.

Dans ces mêmes commerces, l'emballage de votre sandwich oeuf mayo ou tartiné au Chocoleca (Nutella national) est fait de journaux. Rien d'extraordinaire, sauf que ces journaux sont en arabe ou en anglais. Il y a donc un marché international des journaux usagés !

Dans le même genre, il est toujours amusant de lire ce qu'il est inscrit sur les t-shirts des gens autour. Venu pour être vendus en friperie, c'est souvent des vêtements publicitaires ou liés à un évènement, venus d'Allemange, USA ou France en général. Il y a bien évidemment en plus les évènements locaux sponsorisés par des marques, des politiques ou des ONG, avec des messages à caractère éducatif imprimés.

Pour les transports, l'économie s'adapte également. Beaucoup de Koldois ne peuvent pas se payer le trajet à Dakar (environ 10€), encore moins un taxi à 70c d'€ pour le quotidien. Des motos à bas coûts sont importées (en pièces détachées pour payer moins de droits de douane) et permettent de se déplacer pour 35c d'€. Ces motos ont pris le nom de Jakarta, une marque qui est donc l'équivalent de Mobylette chez nous. Elles sont par contre conduites par n'importe qui et sont très légères : elles provoquent donc de nombreux accidents parfois mortels.


Niveau agriculture, j'ai pu discuter de l'économie du coton et du sésame avec l'AVSF. Le coton est un héritage de la colonisation. L'établissement français est devenu une entreprise étatique, la Sodefitex. C'est elle qui achète tout le coton, à un prix sponsorisé pour maintenir un certain revenu aux agriculteurs (255 FCFA le kilo cette année). Problème, ce prix déjà sponsorisé ne permet pas toujours aux paysans de gagner de l'argent après 1 an d'efforts ! En effet, ils empruntent chaque année à la Sodefitex pour les outils et les intrants, qu'ils remboursent donc avec leur production. Problème, ces intrants sont utilisés aussi pour d'autres cultures ou pour des surfaces plus grandes que prévues. De plus, la récolte du coton nécessite une grande main d'oeuvre, ce qui réduit d'autant plus le bénéfice potentiel.

A l'inverse, le sésame est simple à cultiver et la demande est très forte, avec la croissance de la Chine et de l'Inde. C'est une production stimulée par AVSF mais qui n'est pas du tout connue au Sénégal. Le semi se fait après les céréales, sur un champ appauvri (il favorise la regénération de celui-ci). Il suffit d'1 intervention dans le champ après 15 jours pour désherber, ensuite c'est la récolte 2 mois après. Le traitement ensuite est assez simple (sécher et secouer), et le kilo "bord champ" pour du bio est de 350 FCFA !

Enfin, le riz. Il est très important dans l'alimentation quotidienne (c'est d'ailleurs un peu too much là...), au dépend des céréales traditionnelles comme le mil, plus compliqué à préparer, ou le fonio, méconnu.
Le riz produit localement ne suffit pas à la consommation nationale, on voit donc des sacs de riz d'Uruguay, Thaïlande ou Inde un peu partout.

3 commentaires:

Mat a dit…

Merci pour cette analyse !

Avec Orange on a travaillé un peu avec le ministère de l'Education en Côte d'Ivoire : c'est un peu la même évolution au niveau du message. Tu aurais d'ailleurs pu y faire un beau sujet sur le paiement des frais de scolarité par téléphone, possible depuis l'année dernière ;) (ça a échoué en partie parce que les directeurs d'établissement ne voulaient pas reconnaître le SMS comme preuve de paiement)

Unknown a dit…

Oui PW Delorme m'a parlé d'Orange et Ministre de l'Education Nationale (+Microsoft) et ça a l'air de se lancer assez rapidement, sur les stats mobiles.

Bon après, je vais pas faire le service presse d'Orange non plus :)

Mat a dit…

Tu as raison, c'est bien de rester neutre et de diversifier tes sujets ;)